Vous trouverez ci-après le chapitre que j’ai rédigé dans l’ouvrage collaboratif de l’association Innocherche :

DISRUPTION DIGITALE : Comment décoder et transposer ?

Disruption digitale édition 2016 couv

 

Ces trois dernières années ont marqué une vraie prise de conscience de la Révolution Digitale : nous avons pu observer une sorte de frénésie des entreprises autour de la “chose digitale” surtout depuis que le mot Ubérisation est sur toutes les lèvres. Les dirigeants commencent à sentir enfin l’ampleur du problème et à se mettre en marche.

Nous en sommes convaincu chez InnoCherche : la disruption digitale est plus une question d’usage, de culture, d’état d’esprit et de manière de concevoir la complexité … que de technologie, de technique ou de contrôle…

Innocherche

La veille organisationnelle et managériale que nous réalisons au sein du Think Management du Futur est donc au coeur de la problématique de la transformation digitale des entreprises.

 

La disruption, ou innovation de rupture nécessitant des transformations (et non pas seulement du management du changement), a toujours existé, mais la digitalisation du monde accroît de manière exponentielle la vitesse de celle-ci. L’accès à l’innovation, avec des coûts de développement toujours plus faibles et une capacité de mise sur le marché des innovations toujours plus grande donne en quelque sorte une prime au nouvel entrant qui vient de façon répétitive donner des coups de buttoir aux entreprises établies. La taille n’est plus forcément un avantage et devient souvent un inconvénient dans un monde devenu frugal et agile.

disruption digitale

Cette disruption digitale est éminemment frugale. 10 jeunes dans un garage changent le monde … depuis Bill Gates et Steve JOBS, qui sont aujourd’hui de gros éléphants, jusqu’aux nouveaux entrants de WeChat, Tasty et aux noms que l’on connaît à peine. Tout ceci n’est donc plus réservé aux  personnes fortunées issues d’un sérail où d’une école particulière.

R.I.P.En revanche, très peu d’innovations, basées avant tout sur de la technologie, et ayant oublié de ce focaliser sur le problème, rencontrent un marché… Le juge suprême étant l’utilisateur final : l’effet Waooou est-il tel qu’il va lui faire changer ses habitudes ? L’expérience procurée par cette innovation vaut-elle le coup que je change ?

R.I.P.Cela explique pourquoi plus de 95% des startups meurent car comme le montre l’image ci dessous, elle se sont positionnées dans le domaine du technologiquement possible mais là où il n’y a pas d’usage, là où il n’y a pas de problème à résoudre.

 

Mais comme elles pivotent vite, n’ont pas de “vache à traire” ni de marque à défendre, elles peuvent se permettre ce rythme effréné de tentatives et d’échecs. Donc étant donné le nombre d’attaques potentielles, même si à 95% elles sont voués à l’échec, plus personne n’est à l’abri d’un coup au but réussi et donc de se faire disrupter.

start-up failure rate

Cela peut venir de n’importe où et de n’importe qui et par le jeux des probabilité, il y aura bien un missile qui atteindra sa cible.

Les structures organisationnelles classiques ont beaucoup de difficultés à s’adapter à ce nouveau rythme de “fail fast” et risquent de passer à coté de cette révolution digitale pour beaucoup de raisons…

 

# Les trois enjeux des organisations pour espérer survivre :

 

  • ÊTRE A L’ÉCOUTE DES SIGNAUX FAIBLES

three radio telescopes photographed at sunset

La rigidité de leur structure les freine dans leur capacité de réflexion “en dehors du cadre”. Or si le digital nous apprend quelque chose, c’est bien l’humilité : personne n’est capable de savoir ce qui fonctionnera demain et le jugement, parfois arrogant, des entreprises (“cela ne marchera jamais…”) les prive de l’ouverture d’esprit nécessaire. Pour cela il est indispensable d’être dans un système ouvert. Sans cette ouverture, le pari est presque perdu d’avance.

 

  • FAIL FAST, TEST & LEARN

Lean Startup

L’avantage certain des organisations c’est leur nombre de collaborateurs qui sont autant de ressources et de gisements d’innovation. Or, les principes de précaution et d’excellence opérationnelle (zéro risque, zéro défaut) tuent la créativité et hypothèque la capacité d’innover des entreprises… Il ne s’agit même plus de “droit à l’erreur”, mais plutôt de “devoir à l’erreur” pour survivre.

Google = projets X = fail fast

Lean Startup comme le pratique Netflix = A/B testing

 

  • DÉVELOPPER, LIBÉRER L’AUTONOMIE ET LA CAPACITÉ D’INNOVATION DES ACTEURS DE L’ORGANISATION

Libéré... Délivré

 

# Compliqué ou complexe ?

 

Le général Stanley Mc CHRYSTAL dans son ouvrage “Team of Teams” nous explique bien a quel point nos structures organisationnelles sont inadaptées à la complexité du monde. Du fait de  l’interconnexion et interdépendance des acteurs des écosystèmes la complexité est amplifiée par la digitalisation (transparence et rapidité des flux d’information et de communication, collaboration de masse, pouvoir des influenceurs,…).

 

Or, les entreprises sont bâties sur une vision “compliquée” du monde. Dans un monde compliqué, une cause A produira un effet B que je peux anticiper… De ce fait nous pouvons prévoir l’avenir et optimiser tous les fonctionnements opérationnels. C’est l’ére de l’excellence opérationnelle avec ses systèmes d’information prétendant tout contrôler !

compliqué mécanique

On se focalise sur le zéro défaut, le principe de précaution, les procédures de fonctionnement,… Pour réagir à la complication nous passons du pyramidal au matriciel dans nos structures d’organisation.

 

Dit autrement: Quel est le process que tout DG maîtrise et qui lui a permis de réussir quelque soit l’entreprise qu’il dirige ? Réponse: “sécuriser des résultats dans un avenir légèrement incertain”. C’est la maîtrise d’un tel procédé compliqué qui permet à un DG de prendre les rennes d’une nouvelle entreprise dans un nouveau secteur et de potentiellement être performant.

 

Or, le monde n’est pas compliqué, il est complexe et de plus en plus complexe !!!

 

Le nombre des interactions du complexe est tel qu’une cause à un endroit imprévisible, peu produire un effet à un autre endroit tout à fait imprévisible également : c’est l’effet papillon. Le paradigme du compliqué “ A produit B” ne peut plus être appliqué de manière certaine !

 

Nous rentrons dans un avenir fortement incertain où  Le process maîtrisé jusqu’alors de  – “sécurisation des résultats dans un un avenir légèrement incertain” –  ne peut plus fonctionner dans ce nouveau contexte d’innovation de rupture que les dirigeants doivent adresser. Dans Le process qui a fait la gloire des managers de 1970 à 2013, il faut dérouler des activités séquentielles, qui chacune se termine par une validation (une “gate”) dans laquelle le manager de rang N+1 valide le travail, avant d’attaquer l’étape deux.  C’est la fameuse méthode “stage Gate” de Cooper qui est appliquée religieusement ou inconsciemment dans tous les grands groupes pour sécuriser les résultats dans un avenir légèrement incertain.” “Accountability,  Delegation & control” nous en connaissons tous les principes.

 

Nous devons nous rendre à l’évidence : cette méthode a fait son temps car nous ne sommes plus dans un avenir légèrement incertain mais fortement incertain. Les big datas ne vont pas venir nous sauver car il s’agit de l’analyse du passé… et ce serait là aussi prétendre revenir, de façon rassurante, à une vision mécaniste du monde.

“Quand nous comprendrons cette slide, la guerre sera finie !” Général Mc CHRYSTAL

Complexité Team of Teams

 

Nous passons ainsi de l’ère de la seconde révolution industrielle : l’ère de l’efficience, à celle de la révolution digitale : l’ère de l’adaptabilité.

Team of teams

Si le digitale contribue à complexifier le monde, il permet aussi de s’adapter et de travailler différemment : il accélère la problématique à laquelle sont confrontées les entreprises d’un côté, et facilite l’adaptabilité des organisations pour y répondre (outils collaboratifs, partage et diffusion de l’information,…) de l’autre.

 

# Entreprises responsabilisantes et entreprises résilientes (voir aussi cet article)

 

Comme le Général Mc CHRYSTAL en fait toute la démonstration dans “Team of Teams”, l’adaptabilité est donc la clé de la survie des organisations actuelles. Les entreprises qui sont montrées aujourd’hui en exemple d’organisations qui savent et ont su s’adapter, nous avons Netflix / Google / Gore / Favi notamment.

Même si ces entreprises sont différentes par bien des aspects, nous pouvons dire qu’il s’agit d’entreprises responsabilisantes et nous pouvons identifier des invariants :

  • des équipes à taille humaine comme cellule de travail (mini usine, équipes autonomes, team of teams,…),
  • L’auto-contrôle, la “self organization” et l’auto-gestion par la confiance remplace le contrôle et la gestion par la hiérarchie,
  • des processus de fonctionnement simples et centrés sur leur valeur ajoutée vis-à-vis de l’utilisateur final,
  • un management focalisé sur le développement des capacités des collaborateurs,
  • des informations accessibles et disponibles pour prendre les bonnes décisions en connaissance de cause,
  • une culture d’entreprise plus importante que la stratégie opérationnelle,

 

Il ne s’agit pas de rentrer ici dans un débat de jugement entre ces entreprises : certaines sont humanistes comme Gore et Favi (et plus largement les entreprises dites “libérées”, cf. Isaac GETZ et Brian CARNEY “Liberté & Cie”) d’autres basées sur la méritocratie comme Google et Netflix (on veut les meilleurs, rien que les meilleurs !)… Néanmoins, toutes n’ont pas de problème pour embaucher, pas de problème de turn-over, un taux d’engagement fort et sont à la pointe de l’innovation dans leur secteur.

Elles remplissent les 3 enjeux de la révolution digitale : 1 – être à l’écoute des signaux faibles 2 – fail fast et test & learn  3 – développer, libérer l’autonomie et la capacité d’innovation des acteurs de l’entreprise.

Parmi ces 4 entreprises, il est intéressant de relever que 2 sont nées ainsi : Gore et Google et ont su conserver leur esprit “startup” et 2 se sont transformées : Favi et Netflix.

 

Tout l’enjeu des entreprises actuelles est de retrouver leur culture “startup”, être résilientes !

“La résilience désigne la capacité pour un corps, un organisme, une organisation ou un système quelconque à retrouver ses propriétés initiales après une altération” Wikipédia

 

Autre analogie: Mécanique versus Biologique

  • Dans un monde compliqué, on mettait en place une organisation mécanique faite de process, où “rien ne se perd, rien ne se crée ; tout se transforme” (Antoine Lavoisier). La fonction doit être assurée en suivant des Process
  • Dans le nouveau monde complexe dans lequel nous rentrons, il faut des organisations de type biologique, qui viennent du vivant où le principe est “tout bouge, tout vielli, tout change… mais la fonction de l’organe est préservée!” (Biologie, le monde du vivant).

 

# Les différents paradigmes organisationnels

 

Frédéric LALOUX, consultant en organisation, nous apporte dans son ouvrage « Reinventing organizations » une grille de lecture des différents modes de fonctionnement des organisations, de la plus grégaire à la fameuse Teal organization ou Entreprise Libérée selon Isaac GETZ (article sur le sujet de l’Entreprise Libérée).

Mafieuse ?

Loi du plus fort…

Pyramidale ?

Command & Control…

Matricielle ?

Predict & Control…

Collaborative ?

Consensus…

Libérée ?

Advice Process…

Revoir l’article

Les questions que doivent se poser les dirigeants :

Où mon entreprise se situe t-elle ?

Où ai-je besoin / envie d’aller ?

… par rapport à mon marché, à l’engagement de mes salariés, à mon niveau de compétitivité, à la complexité de mon environnement,…

Comment bâtir ma road map ? Sans jamais oublier que cela ne sera qu’un itinéraire sur une carte et que la carte n’est qu’une simplification du territoire : la carte n’est pas le territoire ! Donc quand elle ne convient plus, on en change : son seul objectif est de nous permettre d’avancer grâce à sa simplification de la complexité de l’écosystème…

la carte n'est qu'une simplification de la réalité

la carte n’est qu’une simplification de la réalité

# Faire la transition entre la vieille entreprise et la nouvelle

Comment passer de mon ancienne culture accountable et hiérarchique… à quelque chose de plus ouvert et dans l’air du temps qui me permettra de faire notamment du fail fast ?

C’est la problématique la plus difficile pour le DG comme le reflète ce témoignage :

Aujourd’hui tout mon Comex est composé de champions de l’”operational excellency” qui m’améliorent année après année de 3 % ma Top-line et d’au moins autant ma bottom-line. Ils m’assurent ainsi des résultats quasi récurrents et sans surprises que les analystes financiers exigent de moi”.

Ce ne sont pas eux qui malgré mes incantations vont devenir des champions de l’innovation de rupture et du Fail Fast. J’ai toujours besoin d’eux pour sécuriser les résultats … ce qui me permettra  d’investir à haut risque dans des projets d’innovation de rupture qui aboutiront à des échecs dans 90 % des cas.

Donc, je les emmène en voyage de veille pour qu’ils comprennent la vitesse à laquelle l’ours californien court et pourquoi il veut manger mon lunch (learning expedition en Silicon Valley). Après cela ils comprendront pourquoi il faut essayer de faire de l’innovation de rupture sur des nouveaux marchés et surtout comment il faut s’y prendre, avec des méthodes complètement différentes de celles qui font notre succès aujourd’hui.  Ensuite ils accepteront, qu’avec leur argent durement gagné, à coup de “operational excellency”, moi le CEO je l’investisse à coup de “fail fast” dans une autre filliale, une autre partie de l’organisation gérée de façon complétement différente.”

C’est tout ce retour d’expérience pratico pratique, les pieds dans la glaise, qui intéresse particulièrement Innocherche et que nous voulons suivre années après années pour alimenter les dirigeants dans cette veille sur les nouveaux usages, sur ceux qui marchent ou pas, ici et là.