L’industrie 4.0 : un nouveau terme à la mode, un “buzz word” ?
Pas si sûr…
Sans faire de prospectivisme, nous voyons bien que tout évolue très vite et que nos modes de fonctionnement vont devoir évoluer pour profiter des formidables opportunités qui s’offrent à nous si nous ne voulons pas passer à côté. Klaus Schwab, Président et fondateur du World Economic Forum (organisateur du Sommet de Davos notamment), explique très bien dans son livre La Quatrième Révolution Industrielle (aux éditions Dunod), les enjeux et l’importance de cette révolution vers l’Industrie 4.0.
Même si la France a pris du retard face à ses voisins Allemand, il semblerait que la prise de conscience soit là ainsi que la volonté politique avec la French Fab et un fonds de 10 milliards d’euros pour les projets innovants.
Pour illustrer le fait que nous vivons vraiment une période extraordinaire voici quelques projets fous qui montrent bien la vitesse des progrès technologiques et les moyens qui sont mis en oeuvre pour tout réinventer.
- On envoie des cabriolets dans l’espace pour préparer la conquête de Mars et une nouvelle couverture internet mondiale :
SpaceX
- On crée des robots qui s’ouvrent les portes entre eux :
Boston Dynamics
- On nous promet les premières voitures totalement autonomes pour dans 2 ans (il y a 2 ans on nous en parlait pour 2030… et il y a 4 ans on nous expliquait que cela ne pourrait pas exister !) :
Exemple de GM et Cruise (vous pouvez constater la disparition du volant)Airbus nous prépare ses véhicules hybrides mi-drones mi-voitures autonomes
- L’intelligence augmentée (pour sortir du débat sur l’intelligence artificielle) nous aide un peu plus tous les jours dans nos prises de décision (visualisation des données, chatbots, IBM Watson,…) et bientôt nous contrôlerons tout par la commande vocale…
Je constate avec mes clients industriels que ça y est : il est temps pour eux de passer aux choses sérieuses… Par contre cela n’est pas chose aisée car cela demande une nouvelle gymnastique de pensée et de fonctionnement opérationnel. Bref, il ne suffit pas de la déclarer.
Les grands groupes ont dépensé de l’argent pour “s’acculturer”, apprivoiser la chose digitale. Mais maintenant cela ne suffit plus.
- Finie la période des POC (Proof of Concept pour valider l’intérêt d’un concept) qui ne débouchent sur rien si ce n’est dépenser de l’argent pour dire “on a essayé, mais la technologie n’est pas encore mûre !”, comme pour se rassurer… On entend même parler de « POC mania ».
- Fini l’achat ou la prise de participation dans des startups “pour voir…” à moins de juste vouloir se transformer en VC (Venture Capitalist, Capital Risque en français) et ne voir que l’investissement car opérationnellement, les anticorps de l’entreprise ont vite fait de vider la jeune pousse de sa substance…
Tout ceci a permis de comprendre que certe il y a la technologie : Intelligence Augmentée, robotique, Internet des Objet (IOT), véhicules autonomes, impression 3D, nanotechnologies, biotechnologies, informatique quantique… mais surtout que pour espérer en profiter il va falloir se réformer de l’intérieur : simplifier ses processus, développer l’autonomie et la responsabilisation de tous pour libérer la capacité créatrice et d’innovation au sein des entreprises.
Donc la transformation des industriels vers l’Industrie 4.0 est en marche… même si elle n’en est qu’au tout début.
Pour comprendre ce qu’est l’Industrie 4.0, il faut la mettre en perspective par rapport aux 3 autres :
- l’industrie 1.0 avec la mécanisation grâce à la machine à vapeur,
c’était l’ère de l’artisanat
- l’industrie 2.0 avec les chaînes de production grâce à l’électricité,
l’organisation scientifique du travail fait alors son apparition avec le fordisme puis le taylorisme…
- l’industrie 3.0 avec la robotique et les Systèmes d’Information grâce à l’informatique
c’est l’ère des spécialistes, des fonctions supports et du reporting
- et maintenant nous avons l’industrie 4.0 avec la convergence de toutes les technologies et leur ultra-accessibilité grâce à ces nouvelles télécommandes universelles que sont les smartphones et tablettes
L’industrie 4.0 remet l’homme au centre et redonne le pouvoir au terrain…
La révolution des usages que nous avons vécue dans le BtoC avec l’utilisation de ces “télécommandes universelles” (depuis 2007 et l’IPhone) pour nous simplifier la vie et nous proposer de nouvelles offres “disruptives” (Uber, AirBnB…) touche aujourd’hui tous les secteurs de l’économie…
La maturité des nouvelles technologies, leur convergence et leur accessibilité au plus près du terrain en font aujourd’hui une source d’amélioration et d’optimisation de tous les modes de fonctionnement existants.
Cela ouvre un nouveau champ des possibles : la “disruption” (innovation de rupture qui est rarement une innovation technologique mais plus souvent une nouvelle manière de répondre à une problématique, un besoin) est potentiellement partout ! A l’extérieur de l’entreprise, sur son marché, mais aussi à l’intérieur, sur sa manière de gérer son amélioration continue, ses besoins internes… Elle peut ainsi continuer à faire comme avant et faire de l’innovation incrémentale ou au contraire commencer à penser différemment.
Concrètement cela veut dire que tous les processus de l’entreprise sont remis en question et challengés avec un nouveau prisme mettant systématiquement l’utilisateur (celui pour qui l’on fait telle ou telle action : du client à l’opérateur) au centre du processus.
Désirabilité / Faisabilité / Rentabilité-Viabilité
Le bon sens, le pragmatisme et la vision “ROIste” du Lean Manufacturing (et sa philosophie : “c’est celui qui fait qui sait”) viennent alors se combiner parfaitement avec la prise en compte de la “UX” (User Experience ou Expérience Utilisateur) que nous retrouvons dans les méthodes agiles de “Design Thinking” et de “Lean Startup”.
La combinaison de ces méthodologies nous permet aujourd’hui de déployer des projets qui vont impacter à la fois sur le changement d’état d’esprit et de culture d’entreprise, nécessaire à cette transformation digitale, tout en s’attachant au résultat et en donnant un cadre structurant…
Bref, sortir de la “POC mania” pour mettre en place des solutions qui marchent, qui apportent des résultats concrets et que les salariés s’approprieront… tout en cassant les silos et les structures hiérarchiques classiques sclérosant le fonctionnement agile de l’entreprise.
La promesse est belle mais elle nécessite une remise en question profonde des entreprises, à commencer par leur Direction. Car ce ne sont certainement pas les injonctions “Innovez”, “Déployer l’Industrie 4.0”, “Responsabilisez-vous”… qui libéreront les énergies dans l’entreprise. Tout au mieux elles permettront une éducation, un début “d’acculturation” au digital et aboutiront sur des POC et des projets sans suite…
Et ce ne sera certainement pas non plus en déployant à outrance des méthodes collaboratives dans l’entreprise que la transformation s’opérera ! Car, si elles sont nécessaires, sans une vision claire et partagée, une conviction et un alignement du Comité de Direction, le risque que j’observe est de mener à une réunionite aigüe et un concensus mou résolument défavorable à la culture de l’innovation !
La bonne alchimie est loin d’être évidente à trouver, elle est l’affaire d’essais et de réajustements permanents, c’est un réel apprentissage empirique.
Chaque entreprise va devoir se construire sa propre voie dans sa transformation.
Comme je l’évoquais dans mon article précédent, Google peut être une source intéressante d’inspiration par sa culture de l’innovation et ses success stories depuis 20 ans. La transformation de Michelin est également très riche d’enseignements. Bosch et General Electric qui se sont lancés tous deux dans leur transformation en 2012 nous fournissent un éclairage très riche sur leurs expériences respectives. En tous cas, je vous encourage vivement à pratiquer une veille active (se nourrir de ce qui a marché ou non chez les autres et comprendre pourquoi…) comme je le fais moi-même chez InnoCherche avec nos voyages de veille (France, Silicon Valley, CES, SXSW, Israël, Chine, Inde…), et au travers des Think Tanks que j’anime sur le Management de l’Innovation et l’Industrie 4.0 notamment.